La nuit au pied du dortoir

Publié le par Guillaume

La société profonde chinoise reste très conservatrice, notamment sur les mœurs. Elle reste néanmoins peu perceptible de l’extérieur, cachée par les premiers signes d’émancipation de la jeunesse branchée.

Tous les soirs à la nuit tombante, c’est le même rituel à hohai daxue* (université). Au pied des dortoirs des filles, des étudiants hommes font le pied de grue, jetant un regard furtif dans le hall d’entrée pour savoir si leur dulcinée veuille bien les rejoindre. Les couples à l’écart, profitant des endroits les moins éclairés,  s’embrassent ou se tiennent tendrement. Avec pudeur et discrétion. Tous les gestes attentionnés sont réfléchis afin d’éviter d’attirer l’attention. Ils épient le regard de l’autre craignant que leur relation soit jugée immorale. Du haut de mon cinquième étage (comprendre quatrième pour les européens), la scène me paraît amusante et m’interroge. Pourquoi tant de précaution ? Le poids des mœurs est-il toujours aussi pesant ? Il le semblerait. L’histoire de Nancy, une chinoise qui travaille comme taxi girl (comprendre prostituée) dans les bars et discothèques à expatriés, et parfaitement bilingue, illustre ce conservatisme ambiant. Alors qu’elle était étudiante, elle entretient une relation sexuelle avec un des étudiants de son campus. Tombant enceinte, le garçon en question ne reconnaît pas l’enfant. « J’avais le choix entre le garder ou me faire avorter. J’ai préféré le garder », explique-t-elle rapidement. Elle doit alors se confronter au regard et à la déception de sa famille. « Une mère célibataire s’est mal vue, même condamnée dans le cercle familiale ». Nancy se voit dans l’obligation d’arrêter ses études et de trouver un travail, privée du soutien financier de sa famille et qui refuse de l’aider à élever son enfant (la politique de l’enfant unique a donné à l’enfant une valeur quasi-sacré, il est l’objet de toutes les attentions tant auprès de ses parents que de ses grands-parents). Un nouvel obstacle s’impose à elle : les boulots qu’elle trouve lui permettent tout juste de joindre les deux bouts. Et puis… elle choisit de devenir prostituée. L’argent circule. « La compagnie des laowai n’est pas désagréable et je fréquente les riches du coin ». Et lui laissant tirer la conclusion : « Il faut bien bouffer ».

* Veuillez m'excuser je ne peux pas mettre les tons. Pour la prononciation daxue : mettre un ton descendant sur le a, et ascendant sur le e.

 

Publié dans petites curiosités

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