Elle voulait me vendre son fils

Publié le par Guillaume

Depuis trois semaines, une mère et ses trois enfants font la manche sur Huju lu, près de l’université. Assise sur le rebord du trottoir qui sépare l’espace piéton à la piste cyclable, elle tend un petit gobelet sale en plastique d’une main, tout en serrant près d’elle son dernier né. Il n’a quelques mois. On ne l’entend jamais pleuré malgré le froid saisissant. Durant des heures, elle reste là assise, chantant par moment quelques chansonnettes pour le rassurer. Pendant ce temps ces deux aînés courent après les passants réclamant la pièce. L’aîné n’a pas plus de six ans et le cadet a au mieux trois ans. Vêtus de haillons, ils harcèlent, attrapent la jambe, se mettent à genou pour que l’on daigne leur donner une pièce. Un mao, voire un yuan dans le meilleur des cas. Tous les jours ils restent au même endroit à une distance assez éloigné des commerçants. Car il n’est pas rare que les mendiants se fassent chasser à coup de bâton ou de journaux pliés. Et c’est en abordant cette femme avec une amie chinoise qu’elle me fit une proposition surprenante et attristante. Elle me proposa de vendre son cadet pour 500 yuans, soit au plus de quatre mois de survie. Je ne savais alors quoi dire, même quoi faire. Elle me supplia de prendre son fils. Elle voulait simplement une vie meilleure pour lui, qu’ils puissent manger tous les jours à sa faim, être au chaud et surtout aller à l’école. Me dérobant, je lui demandais où était son mari : en prison pour avoir volé un peu de nourritures et de l’argent. Elle et son mari viennent des régions pauvres de l’Est du pays, ils avaient quitté leur village pour trouver du travail ici. La paie d’ouvriers sur les chantiers de son marie permettait seulement de survivre. Aujourd’hui sans source de revenue, elle n’a d’autres que choix que la rue. Mon amie, très mal à l’aise devant cette situation, me tira le bras pour que l’on puisse s’échapper et me lança une tirade qui me remplie d’effroi : « la loi c’est la loi et puis elle n’a pas à avoir trois enfants ». Je ne luis répondis pas. Mon silence était réprobateur et elle le savait. Je ne voulais pas m’engager dans une discussion qui n’aurait abouti à aucun consensus. Notre désaccord sur l’évolution sociale et la redistribution avait toujours était très profond. Car cette femme faisant la manche lui renvoyait l’image de ces propres angoisses, la peur de ne pas réussir et de s’élever socialement, ce qu’avait parfaitement réussi son père. « Tout travail manuel est dégradant », m’avait-elle soufflé un jour. L’héritage de la philosophie communiste a disparu des cœurs et de la raison. Le socialisme avait apporté la misère et la faim, l’ultra-libéralisme apporte la satisfaction d’être des consommateurs

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