La pauvreté n'est pas signe de misère

Publié le par Guillaume

La confusion est facile entre la pauvreté et la misère. Mais à Chenghe quartier, la pauvreté qui y règne est teintée d'un certain optimisme.

Les apparences sont trompeuses. Après notre première escapade dans les quartiers pauvres du nord-ouest, nous savions trop quoi pensé. A tort sûrement, nous avions aperçu ce monde avec méfiance. Nous sommes retournés quelques jours plus tard, notre regard a été complètement différent. L’accueil fut des plus chaleureuses. Les habitants faisaient des efforts pour parler lentement, et lorsque nous arrivions à comprendre et à leur répondre, ils nous applaudissaient et rigolaient. J’aime cet endroit de Nanjing. Je me sens rassuré qu’aucun autre laowai n’y met les pieds. La sensation du découvreur d’un autre monde frétille dans tout mon corps, amenant ce doux mélange d’éveil et d’apaisement. On quitte l’âpreté du business, du stress des cours. On se sent unique. Les sens se percutent pour au final trouver une forme d’harmonie. Nos références occidentales s’endorment afin de mieux accueillir la curiosité, le respect et la tolérance de la différence. Les échanges, les découvertes amènent à relativiser ses propres faiblesses, ses déprimes. Ces ambiances vous transportent, vous transmettent une énergie. Le sourire et la satisfaction ne vous quittent plus.

Mon regard dépucelé, j’ai pu voir de ses quartiers populaires certes les signes de la pauvreté, mais en aucun cas celles de la misère. Comme je l’ai pu longuement observer en France. Il ne s’agit pas d’histoires tristes. La fringale de la consommation n’a pas encore fait de dégâts, celle qui amène les autres a toujours envié, sans jamais se satisfaire. Leur quotidien est rempli d’optimisme. Même si selon un rapport sur les indices des prix en Chine spécifie qu’un citadin sur quatre grogne contre l’augmentation du coût de la vie (voir le Quotidien du peuple du 15 septembre).

L’envers du décor n’est pas aussi noir. J’ai été pris de ce que j’ai en horreur : l’ignorance. Mes premières impressions n’étaient pas entièrement fausses, mais leur analyse souffrait d’un manque de recul. A vrai dire d’ouverture. Néanmoins, je m’essaierai à ne pas tomber dans l’excès inverse.

Ce quartier je l’ai appelé Chenghe. Maillé par quelques grands axes qui mènent tous au Yangtsé bridge, il se divise en petits villages, plus ou moins animés. Certains les décrivent comme des taudis. Et leur destruction est à l’ordre du jour. Le gouvernement fédéral vient d’en faire sa priorité. Bien sûr ce ne sera pas pour tout de suite à Nanjing, la capitale restant la priorité avec la venue des JO en 2008.

Parmi ses villages, j’en apprécie surtout un par son calme. Sa seule voie d’accès se révèle un petit chemin qui longe un entrepôt de bus, près des quais. A son entrée, quelques immeubles de cinq étages défraîchis accueillent les familles les plus actives. Du moins celles qui peuvent payer un loyer un peu plus élevé que les taudis qui se situent plus en aval de la petite rue principale. Le calme du quartier était saisissant, coupant net avec le bruit sans cesse des rues adjacentes. On se croyait à la campagne. A l’entrée d’une petite cour, qui servait d’entrepôt de planches et de tout ce qui est recyclable, trois femmes et un homme s’adonnaient à un jeu de carte endiablé.  Plus loin, une vieille femme revenait des petits jardins qui se situent le long du mur des quais. L’air fatigué, elle se déplaçait d’un pas lent. Son sourire nous remplit de bonheur. Elle nous accompagna, nous observant. Tout autant amusé que nous de notre incompréhension mutuelle. Arrivé près des jardins –nous rencontrâmes aucun homme en âge de travailler- d’autres personnes âgées vaquaient à leur jardinage. Ils tentèrent de nous expliquer, nous nommèrent le nom des légumes. Ils se laissèrent photographier sans la moindre opposition. Virginie, l’amie photographe, délectait ce bonheur. Pour elle, tout était devenu facile. Elle choisit avec parcimonie ses angles, sa lumière. Les gens nous laissèrent entrer dans leur intimité, nous ouvrait les portes. Cela change tellement de la France où tout le monde semble être replié sur soi et son image. Virginie (Wei ni en Chinois) voulu tirer un maximum de cette humilité.

C’est alors qu’au moment où nous quittions ce petit village, situé en pleine ville, un vieil homme tenta de converser avec nous avec les quelques mots d’anglais qu’il avait dû apprendre dans sa jeunesse. L’échange dura un petit moment et attira les voisins étonnés et curieux que ce vieil homme arrive à communiquer dans une langue étrangère. Sur un petit bout de papier, je lui écrit mon nom en chinois You mu (ce qui signifie l’arbre européen) et je lui fit comprendre que je reviendrai la semaine prochaine, avec une traductrice. Il hocha d’approbation de la tête. Je ne sais pour quelle raison, sûrement l’instinct journalistique, je souhaite connaître l’histoire de cet homme. De son âge transparaît une histoire et un vécu différent de ceux que j’ai pu croiser.

Publié dans géopolitique

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